—Mystère des nuits tropicales (1)—
Après deux petites heures de marche nous arrivons de l’autre côté de l’île sur une plage au pied de l’une des deux montagnes d’Utila, appelée Pumpik Hill. L’ascension de la petite montagne (76 mètres), dernier effort avant de pouvoir embrasser du regard l’île et l’océan à des kilomètres à la ronde, demande un tantinet d’agileté, la pente est raide et le sol très glissant. Heureusement, un système de câbles a été mis en place pour pouvoir se hisser au sommet. En haut, la récompense est grande, le vol des vautours. Ils sont au moins une quarantaine à jouer avec les courants ascendants et descendants. Ils planent à notre hauteur et nous frôleraient presque par moment. Silence. Leur élégante silhouette se détache sur la forêt tropicale se diluant dans les brumes de fin de journée. Calme et vulpté. Voilà trois mois que j’ai quitté la Polynésie, les craintes liées au départ et au voyage se diluent peu à peu, les mauvais moments passés en Floride s’éloignent, je ne retiens plus que la hargne et l’énergie que mettent Liza et Kurt à accomplir leur tâche. Le voyage commence à me façonner comme un sculpteur. Je ne suis qu’argile.
Attiré par les profondeurs
Les jours s’écoulent différemment. Nous somme là, assis, de culture et de milieux différents, récupérant notre souffle, scrutant nos pensés, plongeant au plus profond de l’intime, remontant à la surface… telle une baleine. Une baleine, elle plonge et quand elle à besoin d’air et elle remonte. Mais elle ne peut pas s’empêcher de plonger à nouveau, c’est vital pour elle. De nombreux Occidentaux atterrissent sur cette île et y passent plusieurs mois. Attirés par le sable blanc et les cocotiers, mais finalement surtout par les profondeurs marines. L’île regorge d’écoles de plongées. Elles pratiquent des tarifs très intéressants, les plus bas au monde. Et le site n’en est pas moins exceptionnel. Utila est posée sur la deuxième barrière de corail la plus grande après la barrière australienne. J’étais déjà habituée à la beauté des fonds polynésiens avec ses poissons multicolores. C’est encore plus beau, plus coloré, les formations coralliennes dessinent de vraies cathédrales sous-marines. Des bâtiments à l’architecture insolite qui scintillent la nuit tombée.
Abyss
« Eteignez vos lampes tous ! » ordonne la monitrice de plongée, une Américaine qui a quitté l’île pour s’installer à Utila.
Il fait nuit, nous sommes à Corail View, et nageons avec masque et tuba au-dessus du tombant de la barrière de corail. Avec des lampes de poche étanches nous scrutons le récif dans ses moindres recoins à la recherche de pieuvres. Leurs tentacules bleues donnent une autre tout allure au corail.
« Eteignez vos lampes ! » Black out. Vous n’osez plus bouger, essayez de sentir les autres, de repérer leur moindre mouvement, puis tentez un geste, l’eau scintille autour de vos doigts, vous regardez autour de vous… des centaines de petites lumières apparaissent, ce sont les yeux des crevettes. Abyss, Abyss à la fin du film lorsque les héros découvrent la cité de lumière au fond de l’abîme. L’océan se fait envoûtant, la nuit protectrice, vous resteriez des heures à vous laisser porter par le courant, accompagnés de la sensation d’appartenir à un tout, entre la voûte céleste et les abysses.