Tour du monde d’une écovolontaire : le Peace Refuge ou le rêve américain (4/4). Il est 21 heures passées, il fait nuit noire. Nous trimbalons des panneaux en ferraille à la lueur des phares du Cheyenne. Cette fois-ci, ça commence à grogner dans les chaumières, les corps accusent la fatigue. Mais c’est pour la bonne cause, un ours est actuellement chez un vétérinaire dans l’Iowa et il faut aller à son secours au plus vite.
Du renfort pour soulager l’équipe
Le lendemain, un renfort arrive. Michèle, une américaine qui vient une à deux fois par mois pour soulager l’équipe. Il y a quand même de quoi faire… creuser une tranchée pour une canalisation qui a cédé, préparer un espace pour cet iguane qui vient d’arriver. Ça sent la fin, dans moins d’une semaine je serai à l’Iguana station research. Ce reptile m’a l’air bien sympathique, je crois bien que j’en avais jamais vu en vrai. Son aspect préhistorique est séduisant, il n’en va pas de même de l’odeur qu’il dégage.
Découpe d’un cuissot
Le séjour Zolfo Spring n’est cependant pas fini. Nous devons passer avant par ce que je nommerai l’épreuve du “cuissot de vache à découper” pour les carnivores. La jambe de la bête gît à même le sol, la viande est fraîche et la peau encore intacte. La majorité d’entre nous sommes végétariennes ou ne mangeons que très peu de viande. Réfractaire à faire ce travail que nous jugeons, peut-être à tort, répugnant, nous nous lançons, couteau de boucher en main, et tranchons dans le vif de façon quasi-sauvage, pour en finir au plus vite. Spectacle sanguinolent, odeur nauséabonde, moue de dégoût. Un charcutier aurait fait un travail bien plus propre. Il nous faudra une vingtaine de minutes pour venir à bout du jarret, dont je balancerai les restes dans le congélateur, os, peau et sabot, soulevant la masse à bras le corps, dégoulinant de sueur, avec ce que j’appellerai l’énergie du désespoir, ayant l’intime conviction d’être au cœur de l’animalité humaine. Les labyrinthes de Cres sont bien loin…
Les premières flammes apparaissent
J’ai une bonne nouvelle, Liza doit se rendre à l’aéroport le lendemain et me demande si ça me dérange de regagner Orlando un jour plus tôt que prévu. Elle me paie la chambre d’hôtel. C’est donc mon dernier jour. Nous le passons à débroussailler un autre enclos à ours dont l’occupant a été déplacé. La tâche est dure et éreintante. Les heures s’écoulent lentement, je fais les dernières photos. 18 heures, je monte dans le “pikup” afin d’aller nourrir les cochons et tenter d’immortaliser la scène avec l’appareil photo, cette étrange atmosphère que j’avais ressentie le premier soir. Le sol est sec, ça devrait aller. Nous y allons à deux. Laura conduit, guidée par le grognement des porcs. D’un coup de marche arrière, nous positionnons la remorque sur la barrière, jetons par dessus bord près d’une centaine de bananes, repartons à travers les champs et carcasses de voitures, évitant au mieux les charnières lorsque c’est possible. Il ne me reste plus qu’à vider les poubelles pour mettre un point final à cette troisième mission qui a pris des allures de travaux forcés. Nous stoppons l’engin au plus près du gros container rouillé. Laura balance les détritus pendant que je m’évertue à y mettre le feu. Nous rallumons le moteur alors que les premières flammes apparaissent. Non d’une pipe ! Nous nous sommes fourguées dans une charnière, impossible de nous en dégager ! Je descends, essaie de pousser le pick up, rien à faire. Je fouille dans une vieille carcasse et trouve une planche en bois bien plate pour la glisser sous le pneu arrière. Gaz à fond, la roue s’enfonce de plus belle éjectant la terre d’un côté et la planche de l’autre. Maintenant tout le container est en feu, “go out ! go out !” je crie à Laura… Il n’y a qu’une chose à faire… courir, courir au loin en espérant que la voiture ne prenne pas feu. Nous revenons une fois le danger écarté, Liza désembourbe le truck et nous rentrons. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il serait advenu si l’engin avait explosé. Bon cette fois-ci j’ai fini. Dans mon rapport de fin de mission j’insisterai quand même sur le travail qui est, vu de ma lorgnette, trop physique, ça servira peut-être pour les suivants et surtout celles qui restent.
Morte saison chez Mikey Mouse
Escale technique de trois jours à proximité de l’aéroport d’Orlando. Au programme : écriture du journal, élément important dans mon aventure, mise à jour du blog, envoie d’un CD aux élèves.
Un seul hic, je suis un dimanche, sans voiture, aux États-Unis… Je cherche désespérément un bus pour me rendre en ville afin d’éviter de me ruiner avec un taxi. Il n’y a qu’autoroutes et terrains vagues autour de l’hôtel, les seuls commerces de proximité sont un poste à essence et un fast food en construction. Je finis par me rendre à l’aéroport pour faire des emplettes. J’apprécie cet univers guimauve sur fond de Mickey Mouth, une espèce d’un autre genre qui n’est certes pas en danger, mais qu’il serait dommage de supprimer. Il nous fait tant rêver.
Le lendemain, je trouve un système peu onéreux pour me rendre dans le quartier touristique d’Orlando. Nous sommes en morte saison, les rues sont quasi-désertes. Eh oui, l’été est fini et les animations halloweennesques n’ont pas commencé me fait remarquer une commerçante. Tout cela est un peu triste. Je finis par trouver un cyber café et de quoi graver un CD. Mission accomplie. Et une bonne nouvelle, mes malles sont arrivées en France. J’ai aussi des nouvelles, par mail, de plusieurs bénévoles du village des tortues. Une question obsédait tout le monde : “Mais où est passée Caro ?”
La dernière journée de transit dans cet univers aseptisé se déroule à la laverie et devant la télé. Il n’y a de toute façon personne à qui causer ici. Les piqûres de fourmis et les allergies qu’elles ont générées – j’ai dû mettre en tout sept ou huit fois le pied dans une fourmilière – s’estompent. Je suis prête pour de nouvelles aventures.
La journée de transit s’annonce longue, trois avions… À l’aéroport d’Orlando l’agent de sécurité bloque un moment sur les trois pièces de 100 franc pacifique que j’ai dans une poche extérieure de mon sac. Après explications, il me laisse passer. Dans l’avion, un bout de plastique orange dépasse de la porte centrale. Vérification par trois techniciens qui à plusieurs reprises démontent et remontent un petit caisson. Le commandant de bord se déplace en personne et tout le personnel naviguant regarde d’un air dubitatif la chose, qui est finalement négligemment arrachée. Une heure de retard, traversé de l’aéroport de Miami en courant. J’embarque enfin pour San Pedro de Sula. Là, l’autorisation de décoller n’est pas accordée pour d’obscures raisons… une heure et demie de retard. L’arrivée au Honduras se fait tout en douceur. Je n’ai plus qu’un avion à prendre pour La Ceiba qui partira avec une demi-heure d’avance, parce qu’il était arrivé en avance. Je retrouve les Tropiques, l’humidité et les moustiques. Il fait nuit, je dors à côté de La Ceiba. Là aussi c’est la saison creuse, je suis la seule cliente de l’hôtel. La réceptionniste avec qui je sympathise dormira à proximité de ma chambre me sentant sans doute pas très à l’aise.