Tour du monde d’une éco-volontaire : les vautours de Croatie (4/4) « Hard labor ». Voilà un terme qui devrait en faire fuir plus d’un ! Chaque volontaire tourne sur les différentes tâches à accomplir et doit de temps à autre s’inscrire dans la fameuse case du dur labeur. Rien à voir avec les travaux forcés toutefois. Le « hard labor » a le mérite de se dérouler à l’extérieur en empruntant les petits sentiers serpentant à travers toute la tête de l’île. Comme en témoignent les nombreux murs de pierre à moitié écroulés, cette partie de Cres était manifestement très peuplée jadis. En haut d’une colline, nous traversons un village en ruines, abandonné, en proie aux herbes sauvages. Une vielle carcasse de voiture gît sur ses rotules et sous le porche d’une maison, des bûches sont entreposées prêtes à allumer un feu de cheminée. Comme partout en Europe, l’exode rural a fait son travail. Sauf qu’ici, les ruines ne se rachètent pas à prix d’or. La présence de moutons rappelle la belle harmonie qui régnait entre l’homme, les brebis et les vautours. Ces derniers se nourrissant de carcasses, ils assuraient les bonnes conditions sanitaires dans les élevages et évitaient aux bergers d’aller chercher les animaux morts dans les endroits trop escarpés.
Restauration des terrasses
Après une petite marche dans la forêt de chênes, le chef des opérations s’arrête et nous montre comment reconstruire un des nombreux murs de pierre. L’activité de l’eco-centre ne s’arrête pas aux vautours, sa mission est de refaire vivre une campagne jadis abandonnée, en balisant des chemins de randonnées et restaurant les anciennes terrasses. Mais rien n’a d’égal pour comprendre l’esprit des lieux que de suivre Franjo sur le « red trail », un sentier de dix kilomètres, entièrement aménagé par les volontaires qui se succèdent depuis des années. Dans cette forêt aux arbres centenaires, le petit homme au chapeau est une fois de plus dans son élément. Marcher dans ses pas, se laisser guider par les légendes qu’il conte, transforme la forêt en un lieu magique. Il fait vivre tous les éléments naturels à lui tout seul, entraînant le groupe de bénévoles dans un endroit mystérieux où les arbres prennent forme humaine. Ce sont les Masmalics. Pour les repérer, un œil exercé s’impose et en y regardant de plus près, effectivement, sur certains troncs apparaissent des formes semblables à des lutins qui peupleraient la forêt. Même s’y Franjo prend soin de traduire en anglais ses propros, c’est lorsqu’il parle croate que je saisis le mieux son message, comme si la musique de la langue valait tous les dictionnaires.
Là est peut-être le secret de l’homme qui vole au secours des vautours
Nous marchons deux à trois heures, nous arrêtant à chaque sculpture qui jonche le chemin. Je suis les explications avec un petit livre. A chaque œuvre correspond un petit poème, d’un style que je trouve assez naïf, mais qui dans la bouche de Franjo prend finalement tout son sens. Il y est question du lien spirituel reliant l’homme à la nature. Chez lui, ce lien est viscéral, il fait partie de sa constitution.
Nous nous arrêtons ensuite à l’un des sept labyrinthes construits par des bénévoles et expérimentons l’un d’eux. Il s’agit de la réplique de celui du parvis de la cathédrale de Chartres. Symbole du chemin de tout en chacun avec ses doutes et ses hésitations, il est question, là encore, du lien entre l’homme et la nature, lien indispensable pour un bon nombre des habitants de Cres, fondation de toute relation de paix. Là est peut-être le secret de l’homme qui vole au secours des vautours.
Je fais donc le labyrinthe, en me débarrassant, avant, tout ce qui est électronique. Attention, c’est très important ! Je dépose ensuite ma pierre au milieu et m’en reviens… Il paraît qu’après on est plein d’énergie… En tout cas, de l’énergie, il m’en a fallu pour terminer la randonnée… J’ai toujours admiré, dans les Pyrénées, les jeunes bergers qui grimpaient en montagne comme des chèvres. Je suis plutôt du style à commencer à puiser dans mes forces mentales au bout de dix minutes !
Nous regagnons Beli vers 9 heures du soir, je prends une bonne douche et m’endors. Demain sera un autre jour.
A la belle étoile sur la plage
Nous ne résisteront pas avec Monika et Tomika, à emprunter à nouveau l’un de ces merveilleux sentiers qui nous mènera au plus grand labyrinthe de l’île, Il faudra un peu plus de 20 minutes pour en voir la sortie… Nous passerons une bonne heure allongés dans l’herbe, savourant l’exquis suc des figues tout juste cueillies. La soirée sera à la belle étoile sur la plage à deux pas du petit port de pêche.
Dernier jour à Caput Insulae. Je comprends enfin comment on construit un mur de pierre sur une colline ! Jusqu’à présent, le chef des opérations ne parlant pas anglais, j’imitais les autres, trimbalant des pierres et grattant la terre, sans vraiment voir la finalité de tout ce travail. Maintenant je sais et j’en suis très fière… Nous avons construit un beau mur… Finalement on en apprend aussi beaucoup en déplaçant des pierres, même si au début on se sait pas pourquoi ! Je quitte la Croatie, retraverse le pays en bus et reviens à Foix. J’aperçois le dernier vautour sur l’île de Krk, j’ai l’impression qu’il suit le bus. C’est sûr, il m’accompagne !
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