Tour du monde d’une éco-volontaire : les voutours de Croatie (1/4)Le soir vers 22 heures, j’arrive enfin à mon lieu de destination, à Caput Insulae, sur l’île de Cres, dans un centre chargé de préserver le vautour fauve. Un endroit loin des strass et des paillettes encore inconnu des branchés de ce monde.
Robert, un ornithologiste italien qui travaille au centre vient me chercher au village de Cres, il me montre ma chambre, que je partage avec des Croates. Alors que dire ? Mes Croates de chambrée habitent au nord de Zagreb près de la frontière Slovène. Nous avons une chose en commun, les ours pardi ! “Savez-vous que des ours slovènes ont été réintroduits chez moi dans les Pyrénées ? Ça a fait un sacré ramdam !” Rigolage générale… Ils me proposent d’aller boire un pot avec eux… Mais je me couche, je me suis levée à quatre heures du matin.
Un hymne à la nature
Sérénité. Voilà le mot qui me vient à l’esprit pour qualifier ce lieu. Est-ce dû aux responsables ? Franjo Sablic, qui s’occupe des bénévoles, est un petit bonhomme toujours caché sous son chapeau. Bon vivant, il travaille à Caput Insulae depuis huit ans et n’hésite pas à faire découvrir les sentiers de l’île avec la fameuse falaise aux vautours. Je ne sais rien de plus sur lui, si ce n’est qu’ici, sur l’île de Cres, il a trouvé son trésor.
Si d’un premier abord les volontaires me paraissent moins passionnés qu’au village des tortues, en particulier parce que les préoccupations écologiques sont moins au centre des discussions, je m’aperçois en y regardant de plus près, qu’il a un grand respect de la nature dans les petits gestes quotidiens : vaisselle sans savon à l’aide d’une machine spéciale, tri des déchets, récupération des restes de nourriture pour faire le compost et affiches incitant les bénévoles à ne pas gaspiller l’eau.
Toute l’île est alimentée par une réserve d’eau naturelle, un lac situé dans les montagnes, profond d’une trentaine de mètres.
De la bâtisse dans laquelle nous logeons, émane une douce gaieté, liée sans doute à son style, ancien, et aux peintures sur les portes représentant des éléments paysagers simples, mais agréables à regarder. Il y a ici comme un hymne à la nature, soufflant comme une légère brise… Un vent portant les vautours sur des kilomètres et des kilomètres sans qu’ils n’aient à battre des ailes pour avancer. Le vol du vautour est un des plus majestueux. Avec ses 2m50 d’envergure, il plane sur les courants ascendants et descendants avec élégance.
La tête de l’île, dit caput insulae
À Cres, vous l’apercevez sur les falaises où vivent une soixantaine de couples. C’est le seul endroit au monde où il s’est installé aussi bas. Habitué cependant aux hautes sphères, il tournoie dans le ciel avec ses semblables à la recherche de nourriture. Il n’a pas d’odorat, mais sa vision est si aiguisée qu’il est capable de distinguer un objet de six centimètres à une distance de 1000 mètres. Ce n’est pas un prédateur, il ne se nourrit que de bêtes mortes, ce qui le distingue de l’aigle qui doit tuer sa proie. Cela en fait un animal craintif et fragile. En pleine saison touristique, effrayés par le bruit des moteurs des hors-bord, les jeunes vautours qui ne maîtrisent pas encore bien le vol peuvent tomber à pic dans la mer au risque de se noyer.
Semblable à l’albatros, qui ne sait que faire de ses ailes au sol, le jeune vautour ne peut reprendre son envol une fois dans l’eau. Il est trop lourd. Si les garde-côtes avertissent à temps l’éco-centre, Franjo viendra le sauver. Il est là pour ça. Il connaît les moindres recoins de la falaise et le suivre dans ses expéditions est un vrai plaisir.
Elles se font la plupart du temps en Zodiac, qu’il lance dans le golfe de Kvaner, soit vers la tête de l’île, dit caput insulae, un endroit inaccessible complètement préservé soit vers la falaise aux vautours.
Nous fendons la bise sous un ciel orageux, de la mer lisse et sombre surgissent ces falaises blanches, et au-dessus de nos têtes, tournoient les vautours. Plus loin, nous observons des spécimen perchés sur les quelques arbustes qui ont pris racine dans les rochers. Ils peuvent rester immobiles durant des heures à contempler l’horizon. Franjo, lui, travaille.
À croire qu’il connaît tous les vautours de la falaise. Il les observe et vole à leur secours dès qu’il détecte un comportement anormal. Il décide d’ailleurs d’aller chercher l’un d’eux, qui semble avoir de sérieuses difficultés à déployer ses ailes depuis quelques jours. Il escalade la paroi à toute vitesse et capture l’animal. Vous connaissiez déjà sans doute l’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux. Ici, au milieu de la mer Adriatique à quelques kilomètres de la côte croate, nous avons l’homme qui communique avec les vautours ! Il ne lui manque plus que les ailes. Nous remontons à l’eco-center à sept dans une petite voiture, sans compter le griffon qui se débat dans un sac jaune.
Laurence Dupont
Suite du tour du monde d’une écovolontaire : Les vautours de Cres en Croatie (1/2)